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Vie et Mort d'un ours

La vie des Ours
Vie et Mort d'un ours
Mis en ligne par France 3 Occitanie, le 27 septembre 2017.
Pyrénées : il y a 20 ans, l'ourse Melba abattue par un chasseur.

Alors que la tension est au maximum, en Ariège notamment, après les dégâts des ours sur les troupeaux cet été, ce 27 septembre est marqué par le 20ème anniversaire de la mort de Melba, une ourse slovène abattue par un chasseur en 1997.
Ariège - Commune de Seix - 20 novembre 2021 – Un chasseur tue une ourse suitée de 2 oursons.
Et l’histoire se répète ! Melba avait été tuée lors d’une battue au sanglier. Elle était à l’époque accompagnée de ses 3 oursons Caramelles, Boutxy et Medved. C’est maintenant Caramelles qui fait les frais du loisir qui se nomme la chasse. Et l’on entend souvent que la chasse est un sport ! Mais dans le sport ce sont les 2 équipes qui veulent jouer ensemble, non ? (à méditer). La chasse est un loisir éthiquement inadmissible, une négation des valeurs de notre société. La chasse est la négation du caractère sensible de l’animal.
Ce drame aurait cependant pu être évité, si les chasseurs avaient respecté le territoire de l’ours. Aucune régulation n’est nécessaire en haute montagne, a fortiori quand des sangliers se trouvent plus bas dans la vallée, entretenus artificiellement par les chasseurs qui ont recours au tir sélectif et à l’agrainage. Cette ourse suitée était connue des naturalistes dans le secteur : s’il s’avère que les chasseurs étaient conscients de sa présence, c’est très grave, car ils savaient le risque encouru.
Les battues de chasse sont en effet très dérangeantes pour toute la faune sauvage : on imagine que l’ourse a été perturbée, et a cherché à se défendre de l’agression cynégétique. L’ourse a défendu ses oursons, et comme pour les humains, les mamans sont très protectrices.
Reste maintenant 2 oursons de 8 mois, orphelins qui ont une infime chance de passer l’hiver 2021-2022. à suivre...
Juin 2022, les 2 oursons de Caramelles sont vivants et séparés. L'un est un mâle, bien brun et l'autre une femelle, avec 2 taches blanches sur le cou. Longue vie à eux !
Une ourse ne mord pas un homme sans raison. La seule explication possible est qu’elle ait senti ses oursons menacés. Pourquoi, comment, c’est impossible à dire sans connaître le déroulement exact des faits.
 
L’enquête devra établir les circonstances précises ayant mené à la blessure du chasseur et à la mort de l’ourse. Elle seule permettra de tirer les leçons de cet évènement malheureux, par exemple en renforçant la sensibilisation et la formation des chasseurs pratiquant en zone à ours.
En Espagne on ne plaisante pas avec la protection de l’ours.
Un chasseur ayant abattu illégalement une ourse dans l’est des Monts Cantabriques vient d’être condamné à 2 ans de prison ferme, 4 ans d’interdiction de chasser et 17 500 € de dommages et intérêts.
 
Il a clairement été établi lors du procès qu’il avait délibérément abattu l’ourse, à 40m de distance et en toute capacité d’identifier l’espèce.
Dans les Pyrénées espagnoles, les enquêtes à l’encontre du chasseur ayant abattu l’ourse Sarousse en Novembre 2020 et de la personne qui a empoisonné le mâle Cachou en Avril 2020 semblent en bonne voie.
 
En France, toujours pas ou peu de nouvelles des enquêtes ouvertes suite à l’abattage du mâle Gribouille en Juin 2020 et de la femelle Caramelles en Novembre 2021 …
Un chasseur a tué l’ourse Sarousse ce dimanche 29 novembre 2020 en Espagne. C’est le troisième ours tué dans les Pyrénées cette année.
Un très émouvant récit par Frédéric Vigne « Un si bel automne » Ou la vie et mort de l’ourse Melba
SUITE
Nous étions dans un engrenage périlleux dont l’enjeu nous dépassait de très loin. Nous n’avions d’autre choix, probablement, que d’être les victimes expiatoires de leurs théories, de leurs expériences, de leurs luttes. Même ceux qui parlaient pour nous, qui disaient qu’ils nous défendaient, il fallait s’en méfier, car en fait ils ne parlaient que d’eux-mêmes. Les seuls à réellement s’occuper de nous, à nous connaître, n’avaient finalement guère voix au chapitre. Je revois le regard de cet homme dans la machine roulante, ce regard plein de sobre compassion. Je n’en ai jamais revu d’autre depuis.
Pourtant, on raconte chez les ours que jadis, malgré les braconniers, il n’y avait pas cette haine contre nous. Les hommes étaient pourtant plus nombreux qu’aujourd’hui à vivre dans les vallées, mais les ours aussi. Et les hommes respectaient les ours. Enfin, un peu plus… La montagne bruisse encore de légendes à notre sujet, et celui qui tend l’oreille peut parfois les entendre.
Que sommes-nous aujourd’hui sinon des faire-valoir, demain peut-être des marchandises ou bien des trophées, des boucs émissaires pour des vaches ou des moutons tués, et rarement par nous ? Je sais que le bétail a peur de nous, qu’il fait parfois n’importe quoi rien que parce qu’il sent notre présence. Mais comment reprocher à un ours d’être un ours ? Je n’ai pas demandé à ce que l’on vienne me plonger dans ce cauchemar humain.
Je sais que je n’ai rien à attendre des hommes. Comment le pourrais-je lorsque je vois comment ils se traitent entre eux ? Alors je poursuis ma vie d’ourse en espérant ne jamais les croiser. Ils sont faciles à repérer, donc à éviter. Ils sont balourds et bruyants et leur odeur est étrange, on ne peut la confondre avec aucune autre. Et puis j’ai toutes les raisons d’être heureuse, puisque dans quelques mois naîtront mes oursons. Je vais bientôt commencer ma sieste hivernale, mais pas tout de suite. Je profite de ce si bel automne, je ne me souviens pas d’en avoir vu un aussi magnifique. Non loin de là coule un petit torrent et c’est vers lui que je dirige mes pas. Mes pensées virevoltent avec les derniers insectes et les oiseaux qui volètent de branche en branche. J’ai dérangé une troupe de pinsons et le geai jacasse à mon passage. Il y a toujours quelqu’un qui vous voit dans la forêt.
Oui, je suis bien distraite et je n’ai rien vu venir. Deux chiens à sanglier qui soudain se mettent en arrêt et aboient furieusement. Et des pas lourds, maladroits qui écrasent les brindilles, un souffle haletant. L’homme est là, planté devant moi, le fusil levé.
Je ne sais pas ce qui me passe par la tête. Peut-être que j’aurais dû fuir, faire demi-tour. Peut-être que c’est vrai, ce n’est qu’un tragique hasard, qu’il n’est pas là pour moi. Comment savoir ? Je n’ai pas confiance. Les chiens sont terrifiés, ce qui les rend encore plus hargneux. D’eux seuls, je ferais vite mon affaire. Mais il y a l’homme et son fusil. Je me redresse, agitant mes pattes, brassant l’air pour tenter de l’intimider. C’est ainsi que nous faisons, nous, les ours. Je voudrais qu’il recule, qu’il s’en aille. Qu’il aille simplement se vanter au bar de m’avoir vue, et rien de plus. On se moquerait de lui, il paierait à boire à ses amis et tout finirait bien.
Mais non. Il est figé, son visage devient livide et ses doigts se crispent sur la détente. Les deux balles me touchent au ventre. Je pense à mes oursons, là, qu’il vient probablement de foudroyer, et moi avec. Mon ventre saigne, sans doute vais-je mourir. Alors je mourrai comme une ourse. Un chien passe trop près, un coup de patte lui laboure le flanc, il se vide de ses entrailles au pied d’un hêtre et je dois avouer que j’en suis heureuse. Mais c’est l’homme que je veux, et il a détalé. Je perds trop de sang, je ne peux pas le poursuivre malgré toute ma fureur. La fureur passe vite, car elle ne sert à rien.
Le chien achève de mourir mais cela m’indiffère. Mes forces déclinent déjà, pourtant je n’ai pas mal. Perdre du sang est quelque chose d’étrangement agréable. Je contemple ma vie quitter mon corps et j’en sourirais presque. Je parle à mes oursons qui ne naîtront jamais, j’essaie de leur décrire ce si bel automne qu’ils ne pourront pas voir. Les pinsons et le geai sont perchés sur des branches, ils ont assisté à la tragédie et n’y peuvent rien.
Il n’y a rien à faire, seulement attendre le Grand Sommeil. Je me couche et je contemple les feuillages qui flamboient encore davantage au Soleil déclinant. Dans deux heures, il fera nuit, et il fera nuit en moi également. Ces deux heures-là m’appartiennent. Je ne mourrai qu’après.
Et j’emporterai avec moi la vision de ce si bel automne.
C’est la première réflexion que je me suis faite ce matin en quittant ma tanière, cachée dans une combe profonde, protégée par une sorte de chaos rocheux au milieu duquel sont venues s’insinuer quelques broussailles.
Il fait encore très doux alors que novembre approche, un vent tiède fait danser les feuillages qui flamboient sous la lumière du Soleil, et seuls quelques nuages s’effilochent dans un ciel d’un bleu profond. Une pluie d’or semble avoir recouvert la forêt et le flanc des montagnes.
Je suis née loin d’ici, au cœur d’autres forêts et d’autres montagnes, là où les hommes parlent une autre langue, là aussi où ils ne nous ont pas –pas encore ?- déclaré la guerre à nous les ours. J’ai grandi libre et heureuse et j’ai parfois croisé le chemin de ces humains qui évoluaient sur mon territoire. Mais la forêt est vaste et il m’était facile de me cacher, car notre instinct nous dicte depuis des millénaires cette évidence : mieux vaut croiser le moins possible le chemin des hommes, y compris de ceux qui se parent des meilleures intentions à notre égard.
C’était un matin qui ressemblait à tous les autres matins, peut-être que celui-là était un peu plus brumeux, je ne sais plus. C’est vrai que dans mon souvenir, les immenses troncs des sapins et des pins noirs avaient l’air de fantômes surgissant du brouillard, et que l’humidité suintait des mousses recouvrant un sol devenu spongieux.
J’ai entendu ces machines roulantes qu’ont les hommes pour se déplacer. Elles font un bruit caractéristique, mais je n’avais aucune raison de m’en inquiéter, je les entendais souvent à travers la forêt. Il m’est même arrivé d’en voir. J’ai entendu des hommes en descendre et dire des choses que je ne comprenais pas, puis ils se sont séparés et ont pénétré dans le sous-bois.
J’ai fait ce que je savais faire de mieux en pareil cas, j’ai commencé à fuir. Mais soudain, j’ai entendu comme un claquement, et aussitôt j’ai senti quelque chose qui pénétrait en moi. Ce n’était pas très douloureux, juste un peu gênant pour marcher, car la chose m’avait atteinte au défaut de l’épaule. Et rapidement, mon esprit s’est embrumé, je me sentais flotter dans quelque chose d’irréel, les troncs des sapins et des pins noirs se sont mis à danser dans le brouillard. Je titubais, je n’avançais plus, mes forces me quittaient. Dormir. Je n’aspirais plus qu’à cela, c’était agréable, d’ailleurs. Oui, dormir. Plus rien d’autre n’existait que cette envie irrépressible. Des images étranges m’apparaissaient, sans doute les ai-je imaginées. Les formes se fondaient, se déformaient. Je ne me souviens qu’à peine du moment où je me suis lourdement abattue sur le sol, l’écho des voix des hommes m’arrivant en atténué.
« Hajde! Hajde, Branko! Trebam te ! »
Et puis plus rien. J’ai sans doute dormi très longtemps, car à mon réveil, il faisait nuit, et j’étais brinqueballée dans une de ces machines roulantes sur une piste qui semblait serpenter à flanc de relief. Les hommes qui se trouvaient à l’avant parlaient une autre langue, que je ne comprenais pas davantage.
« Elle se réveille! »  « Ouais, surveille-la, qu’elle ne se jette pas de partout! » « Non, elle a l’air calme! » « Tant mieux! Eh, ma grosse, on arrive bientôt à ton nouveau chez toi! »
Je me sentais encore engourdie, mon esprit ne s’éclaircissait que lentement, je cherchais à comprendre et je ne comprenais pas. Les hommes devant ne semblaient me vouloir aucun mal. L’un d’eux ne me quittait pas des yeux et me souriait. Il y avait de la gentillesse dans son regard, c’est peut-être grâce à lui que je n’avais pas vraiment peur.
La machine roulante a fini par s’arrêter et on a ouvert les portes. Je suis descendue, un peu hagarde, à la lueur de ces lumières violentes, celles des phares des véhicules. C’est à cet instant seulement que j’ai senti que quelque chose était planté dans mon dos, juste sous ma peau. C’étaient sans doute les hommes qui avaient fait ça. Qui d’autre, de toute manière ? Les ours ne plantent pas d’objets bizarres sous la peau des autres ours.
Et c’est ainsi, en pleine nuit, que j’ai échoué dans mon nouveau territoire. A la longue, j’ai fini par comprendre. On m’avait fait venir de si loin parce qu’ici, il n’y avait plus de femelles, les ours risquaient de disparaître. Je devais donc donner de beaux enfants à un seigneur du lieu.
Mais j’ignorais qu’ici, on nous haïssait à ce point, que certains voyaient en nous rien d’autre que de nuisibles tueurs de troupeaux, et pourquoi pas assassins d’enfants, aussi ? J’étais arrivée au milieu d’une guerre entre hommes à notre sujet. J’ai vite compris que cette guerre humaine risquait de n’avoir d’autres victimes que nous autres, les ours. Nous n’étions là que pour leur permettre de s’écharper entre eux, nous étions l’alibi, le symbole de deux façons de voir la montagne, la Nature, l’avenir.
Cannelle était la dernière représentante d'une population d'ours des Pyrénées. Elle a été abattue le 1er novembre 2004 par un chasseur. Son ourson, Cannellito, âgé de huit mois au moment de la mort de sa mère a survécu ; il est le dernier représentant de la lignée pyrénéenne d’Ursus arctos.
Le cadavre de Cannelle a d'abord été conservée dans un congélateur de l’École nationale vétérinaire de Toulouse puis, en août 2013, l'ourse a été naturalisée par Brian Aïello et Jean-Pierre Barthès, les taxidermistes du muséum d'histoire naturelle de Toulouse (MHNT) et a intégré ses collections. Elle fut présentée au cours de l'exposition temporaire Ours, mythes et réalités du 11 octobre 2013 au 3 août 2014. La naturalisation du plantigrade a été réalisée avec un nouveau procédé mis au point par le laboratoire de taxidermie du muséum d'histoire naturelle de Toulouse. Cette naturalisation a nécessité trois mois de travail. L'ensemble des étapes a fait l'objet d'un documentaire de Jacques Mitsch intitulé On l'appelait Cannelle et d'un suivi photographique par Christian Nitard.
L'histoire de Canelle
L’ourse Cannelle mort d’un fossile
Résumé
Le 1er novembre 2004 se produit dans les Pyrénées un fait divers pas tout à fait comme les autres. Le coupable est un chasseur, l’arme du crime un fusil. Mais la victime n’est pas un être humain. Non, c’est un ours brun. Une femelle appelée Cannelle.
En savoir plus
Un récit documentaire de Romain Weber une première fois diffusé le 7 décembre 2020
Invité : Jean-Jacques Camarra, naturaliste, fondateur du Réseau Ours brun
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-samedi-08-octobre-2022-7775702
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